Ses fans pleurent "une bête de scène", ses enfants expriment leur "douleur immense", le président de la République salue "un héros français": la France est en deuil après le décès de sa star nationale, Johnny Hallyday, que ses proches souhaiteraient voir descendre les Champs-Elysées "pour un dernier adieu".
"L'idole des jeunes", aux dizaines de tubes et plus de 100 millions de disques vendus, est mort à 74 ans des suites d'un cancer des poumons dans la nuit de mardi à mercredi dans sa maison de Marnes-la-Coquette, près de Paris, a annoncé son épouse Laeticia à l'AFP par un communiqué transmis à 02H34 du matin.
"Johnny Hallyday est parti. J'écris ces mots sans y croire. Et pourtant c'est bien cela. Mon homme n'est plus. Il nous quitte cette nuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et dignité", écrit la dernière épouse du chanteur à la vie amoureuse tumultueuse.
Évoquant "le papa" de leurs deux filles Jade et Joy, de Laura (née de son union avec Nathalie Baye) et de David (né de son union avec Sylvie Vartan), Laeticia Hallyday conclut: "Johnny était un homme hors du commun. Il le restera grâce à vous. Surtout ne l'oubliez pas. Il est et restera avec nous pour toujours. Mon amour je t'aime tant".
- Vartan 'le cœur brisé' -
"Notre douleur est immense", ont réagi Laura et David, dans un communiqué conjoint à l'AFP.
"Comme toute la France mon cœur est brisé. J'ai perdu l'amour de ma jeunesse et rien ne pourra jamais le remplacer", a déclaré à l'AFP Sylvie Vartan. "Mon chagrin est immense", a indiqué de son côté Nathalie Baye.
Son producteur historique Jean-Claude Camus souhaiterait qu'il "redescende les Champs Elysées" pour que "le public puisse lui faire un dernier adieu" : "Je sais que c'est un rêve de Laeticia aussi et il a droit à ça", a-t-il confié à RTL.
Des amis du chanteur ont confié leur grande peine: "J'ai perdu plus qu'un ami, j'ai perdu mon frère", a déclaré Eddy Mitchell, tandis que Michel Sardou saluait un ami "courageux jusqu'au bout", appelant à se souvenir "des grands moments qu'il nous a offerts".
Charles Aznavour, qui avait écrit pour lui "Retiens la nuit", s'est dit "frappé douloureusement". Pour Brigitte Bardot, "c'est toute une époque qui disparait à jamais avec lui, en emportant nos plus beaux souvenirs".
"Il était la France, he was the people's rockstar", a salué le chanteur de U2 Bono sur France Inter.
Le président Emmanuel Macron avait réagi en premier à cette nouvelle, écrivant dans la nuit qu'"on a tous en nous quelque chose de Johnny Hallyday". En déplacement mercredi à Alger, il a estimé que Johnny "fait partie de ces héros français".
"Un hommage lui sera rendu, mais il faudra voir avec la famille", a-t-il ajouté. Selon l’Élysée, il se rendra avec son épouse Brigitte aux obsèques de la star, dont la date n'est pas encore connue. Mme Macron s'est rendue dès mercredi au domicile du chanteur pour se recueillir.
L'ensemble de la classe politique a salué un chanteur à la stature quasi officielle, qui a fait vibrer plusieurs générations. Fait rare : l'Assemblée nationale lui a consacré une standing ovation, le Premier ministre Édouard Philippe saluant "un artiste exceptionnel".
Un important dispositif de sécurité a été déployé à Marnes-la-Coquette, pour protéger l'accès à la résidence du chanteur, où journalistes et fans en deuil ont accouru dès le petit matin. Le réalisateur Claude Lelouch ou l'humoriste Muriel Robin s'y sont notamment rendus.
- 'On a perdu un monument' -
Partout en France, les adorateurs de Johnny accusaient le coup.
"Ça me fait le même effet que quand j'ai perdu mes parents. (...) Pour nous les fans c'était pas un dieu mais pratiquement, on a perdu un monument", a résumé Toni Meunier, 58 ans, cordonnier à Sedan (Ardennes). Pour Alain Delpont, qui a entretenu pendant 4 ans un musée consacré à Johnny dans les Pyrénées-Orientales, "c'est un mythe, un grand qui disparaît".
Les radios et télévisions ont bouleversé leurs programmes et diffusaient ses tubes en boucle, pendant que les réseaux sociaux croulaient sous les hommages: selon des données de la société Visibrain en fin de journée, près de 650.000 messages relatifs au décès de Johnny ont été diffusés sur Twitter.
Le père Luc Reydel, aumônier du spectacle, a convié les fans du rockeur à deux veillées de prière "pour Johnny, pour Laeticia et ses proches" jeudi et dimanche soir à l'église Saint-Roch, la paroisse parisienne des artistes.
Depuis que Johnny Hallyday avait été hospitalisé il y a un mois pour détresse respiratoire, ses fans craignaient le pire. Le rockeur avait annoncé début mars être atteint d'un cancer des poumons.
- 10 Victoires de la musique -
Détecté en novembre 2016, le cancer aura terrassé en un an celui qu'Eddy Mitchell avait surnommé "Robocop". Et qui avait déjà tutoyé la mort, lors de sa tentative de suicide en 1966 après la demande de divorce de Sylvie Vartan, puis lorsqu'il plongea plusieurs jours dans le coma en 2009 en raison de complications consécutives à une opération.
Johnny Hallyday s'est battu jusqu'au bout. En montant sur scène, en juin et juillet, avec Jacques Dutronc et Eddy Mitchell pour la tournée des "Vieilles Canailles", où il semblait porté par l'énergie de son public.
Pour "rester vivant", comme s'intitulait sa dernière tournée (2015-2016), cette "bête de scène", qui a rempli en 57 ans de carrière tous les plus grands lieux de l'Hexagone, du Stade de France au Champ de Mars, travaillait aussi à un nouvel album.
Avec plus de 100 millions de disques vendus et dix Victoires de la musique, "l'idole des jeunes", puis des moins jeunes, a traversé les époques: celles des débuts du rock'n'roll, des yéyés, de la variété plus "mainstream" avec Michel Berger ou Jean-Jacques Goldman dans les années 80 pour revenir avec bonheur ces dernières années aux sources du blues et du rock.
- Excès et amours -
Cette longévité exceptionnelle, depuis "T'aimer follement", sa première chanson enregistrée en 1960, est ponctuée de dizaines de succès: "Souvenirs souvenirs", "Le Pénitencier", "Noir c'est noir", "Retiens la nuit", "Que je t'aime", "Gabrielle", "La musique que j'aime", "Ma gueule", "Quelque chose de Tennessee", "Allumer le feu", "Marie"...
Au fil d'une vie menée à fond de train, avec ses accidents, ses excès relayés en une des gazettes, ses amours tempétueuses et médiatisées, ses maisons en Suisse et aux États-Unis sur fond d'accusation d'exil fiscal, "Johnny" était devenu plus qu'un artiste.
Une légende vivante mais aussi un personnage parfois agaçant pour certains, caricaturé pour sa façon de s'exprimer, à l'image du "Ah que..." popularisé par sa marionnette des Guignols.
"Ma vie a été un tunnel de souffrances", confiait en 2014 à Télérama celui qui était au civil Jean-Philippe Smet, du nom de son père, belge, qu'il a si peu connu.
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